Escape the ordinary ft Morrighan Alhuïn

Je souffla longuement, observant à la dérobée le katana posé sur ma table. Me mordillant la lèvre, je passa en revue les solutions restantes pour régler le problème qui était littéralement en train de me ronger la vie. Ce katana était mien depuis plus de 2000 ans. Il avait connu la guerre, la fuite puis les dizaines de vies d'après. Il faisait partie des quelques armes qui ne m'avaient jamais quitté. Mais manifestement, toutes les bonnes choses ont une fin car ce cher katana semblait tordu, il affichait un angle étrange qui n'était absolument pas naturel. Je ferma les yeux quelques instants, passant les mains dans ma chevelure blonde. Cette arme était l’une des premières que Morac m’avait offerte et il était hors de question que je m’en sépare, même si elle était tordue.

Après tout, ce n'était pas les choses abimées qui parfois avaient le plus de valeur ?
Mouais. Je pencha la tête sur le côté, réprimant un petit rire nerveux, pas vraiment certaine que le nouvel angle de mon arme puisse être très pratique pour ôter la vie de mes ennemis

Soudain, une illumination !
Voilà la solution à mon problème. Il y avait cette fille dont j’avais entendu parler au Grand Conseil, elle tenait une boutique a Ravensgate. Officiellement, elle vendait des dagues et des petites armes très “classiques” du genre accessible pour tous. Mais le Grand Conseil avait des doutes sur ses véritables “ventes”. Manifestement, cette fille vendait bien plus que des armes classiques et je n’avais qu’un seul moyen d’en être sûre. Je devais voir ça par moi-même. A l’heure actuelle, elle représentait ma seule et unique chance. A la hate, je rangea mon Katana, l’accrocha derrière mon dos et attrapa ma cape dans laquelle je m'enroula, dissimulant mon trésor.

Moins d’une demi-heure plus tard, j'étais à Ravensgate. Il ne me fallut pas très longtemps pour trouver la boutique, celle-ci se trouvant en plein centre de la ville. Je poussa la porte d'une main déterminée, sans savoir ce que j’allais découvrir.

La boutique dans laquelle je venais de pénétrer n’avait rien d’une quelconque bicoque. Il s'agissait en réalité d'une boutique plutôt luxueuse. Les étagères regorgaient de multiples bijoux, tout a chacun ornés de pierres précieuses et autres diamants. De l’autre côté, de petites dagues très élégantes étaient alignées les unes à côté des autres. Je m’en approcha, laissant ma main droite planait au-dessus sans jamais les toucher. C'était du très beau travail de qualité et il me vint a l’esprit que la femme qui tenait cet endroit devait certainement etre une fae. Bien que ce magasin soit a Ravensgate, il n'était pas nécessaire que ca en soit une mais maintenant j’en étais convaincue. Cette boutique était une véritable caverne d’Ali Baba et je me surpris à sourire légèrement, appréciant l'énergie de ce lieu unique.

Je ne remarqua la jeune femme derriere le comptoir que lorsque sa voix porta jusqu’a moi, m’etant crue seule jusqu’a present. Je m'immobilisa à l'instantané, sentant mon coeur battre frénétiquement dans ma poitrine tandis que je me tenais parfaitement immobile au milieu de la boutique. Je souffla longuement, esquissant un sourire. Je ne m'étais pas attendue à ça … Je ne m'étais pas attendue à ce que l'une des personnes que j’avais le plus estimé durant ma longue vie se tienne juste en face de moi a cet instant.

Morrighan Alhuïn. Durant la période de la grande guerre, sa sœur et elle s'était fait rabattre dans l'armée de Morac et pendant un temps, j’avais passé quelques moments avec elle. A cette epoque, j’appreciais veritabelemnt cette jeune femme, je la trouvais douce, profondement gentille, talentueuse. Et elle avait cette force qui émanait d’elle, cet espèce de feu intérieur que je trouvais fascinant et qui l’avait poussé à fuir. C'était une combattante, même si elle n’en avait pas conscience. Morrighan avait forgé énormément d’armes pour moi, de véritables petits bijoux. Petits bijoux que j'avais emporté avec moi, la plupart de ses armes étaient encore en ma possession, j’avais refusé de m’en séparer.  Après la mort de sa sœur, je m’etais longtemps demandé ce qu’elle avait bien pu devenir et la voilà … debout devant moi.

Secouant la tête, je tacha de retrouver une contenance avant de m’avancer vers elle.

“ Bonjour, excusez-moi de vous déranger. A vrai dire, j’ai une … demande un peu spéciale et j’ai entendu dire que vous pourriez peut être m’aider. ”  

Pendant quelques instants, Morrighan sembla confuse, bien qu’elle veuille continuer à se montrer professionnelle. Tout en me fixant, elle sembla rechercher dans les profondeurs de son esprit d’où elle pouvait bien me connaître. Ou tout du moins pourquoi MOI je semblais la connaître. Attentive au moindre de ses mouvements, le déplacement de sa main vers sa ceinture ne m’échappa pas. Intelligente et vive, elle avait toujours été assez rusée pour juger quand elle devait se protéger. Manifestement, elle me percevait comme une menace. Son regard, lui, resta doux. Je lui adressa un petit sourire, ravie de constater qu’elle arrivait toujours à détourner la vérité de manière intelligente.

Passant mes mains derrière mon dos, j’attrapa le kataka glissé sous ma cape avant de le décrocher. Morrighan resta immobile, épiant tous mes mouvements avec minutie. Je posa lentement mon arme sur le comptoir avant de la glisser hors de son étui, dévoilant ainsi ce qui me préoccupait tant. La jeune femme fronça les sourcils, son regard alternant entre l’objet de ma visite et moi même. Je souffla longuement.

« Cette arme m’est très précieuse, elle m’a été offerte par une personne chère à mon cœur il y a … longtemps. Mais comme vous pouvez le voir, je l’ai légèrement maltraité. Disons qu’elle a beaucoup vécue c’est certain ! »

Je passa lentement la main dessus, comme si mon simple toucher pouvait la ranimer.

« Y aurait-il un moyen pour que vous puissiez la réparer ? Ou peut être juste la remettre à peu prêt … droite ? »

J’adressa un léger sourire contrit à la fae avant de suivre des yeux la main toujours planté à sa ceinture.

« Je ne vais pas vous faire de mal vous savez … »

Au moment où mon kataka se posa sur le comptoir, je su que j’avais fais une bêtise. Je me sentis instantanément coupable. Coupable de ne pas avoir changé mes plans en découvrant que Morrighan était la propriétaire de ces lieux. Coupable de lui faire revivre des choses traumatisantes qui l’avaient, sans aucun doute, changé à tout jamais. Coupable d’être la responsable de cet air affligé sur son visage. Dans son seul et unique œil semblait défiler un carnaval de mauvais souvenirs, une ribambelle de souffrance enfouie au plus profond d’elle même. Je du me retenir de lui attraper la main, l’envie de la consoler me tiraillant fortement. Je connaissais ses tourments et je ne l’avais pas épargné. Je ne valais pas mieux que tout ceux qui avaient contribues à la détruire au final …

En une fraction de seconde, elle perdit toute chaleur. Comme si elle se décidait soudain en enlever le masque qu’elle avait revêtit depuis mon entrée dans sa boutique. Sa voix flotta jusqu’à moi au ralenti, sans joie, monocorde. Essayant de rester le plus professionnelle possible, elle sembla chercher ses mots. Restant tout de même la personne douce que j’avais autrefois connu, elle essayait de ne pas me blesser… Elle était si loin du compte. Elle n’avait pas à se cacher avec moi … Mais elle ne se souvenait pas de moi … J’avais été éradiqué de son esprit. Je sentis mon cœur s’affoler légèrement à cette pensée, me sentant soudainement triste face à sa dernière phrase.

Morrighan Alhuïn était une forgeronne de talent. L’entendre prétendre le contraire avec autant d’aisance m’hérisser le poil. Mais je pouvais comprendre … Elle souhaitant s’éloigner de tout ce qui lui rappelait son passé. En bref, elle essayait de survivre, comme nous tous. Aussitôt, je rangea mon arme dans son étui avant de la glisser d’un geste fluide dans mon dos, la cachant sous ma cape. Je lui adressa un petit sourire qui se voulait triste avant de répondre dans un souffle.

« Je comprends. Les choses changent … Les gens aussi. On essaie tous d’avancer. Désolée … Je n’aurais pas du … »

Je souffla longuement, n’achevant pas ma phrase. Elle mourut au fond de ma gorge. Je me dirigea vers l’étalage des dagues avant d’en choisir une au milieu. De la taille de ma main, légère, ornée d’une rangée d’obsidienne. Elle était parfaite. Je me planta de nouveau devant la jeune femme, posant la dague sur le comptoir devant moi.

« En revanche, j’aimerais vous acheter ça s’il vous plaît. »