Secret meeting at the Night Court

Plusieurs semaines étaient passées depuis que la vie de Rosaleen avait basculé, et il arrivait encore qu'elle peine à réaliser la réalité de la situation. Pourtant, chaque fois qu'elle pénétrait dans la maison boisée qui leur servait désormais de sanctuaire, à ses compagnons et elle-même, elle sentait de nouveau cette chape de plomb s'abattre sur ses épaules, petit rappel de la situation dans laquelle elle se trouvait désormais. Depuis sa trahison, Acelin était introuvable et n'avait plus fait parler de lui, mais la princesse était convaincue qu'il ne resterait pas caché éternellement. Sans doute ne savait-il même pas qu'elle était toujours en vie, et c'était peut-être mieux ainsi. Toutefois, elle ne pouvait se permettre de rester ainsi, sans rien faire, et elle s'évertuait, jour après jour, à tâcher de préparer au mieux sa petite équipe pour ce qui les attendait désormais.
Elle s'était, tout particulièrement, longuement renseignée sur les pouvoirs qui étaient désormais les siens, malgré la difficulté qu'elle avait rencontré lorsqu'elle avait tâché de trouver quelques ouvrages à ce sujet. La Magie des Abysses semblait particulièrement taboue, comme si le monde l'avait purement et simplement niée, et il lui avait fallu prendre contact avec un occultiste de renom pour trouver, enfin, un ouvrage qui traitait de ce sujet. Ou plutôt était-elle parvenue à obtenir ce contact grâce à Joshua qui semblait toujours savoir auprès de qui s'adresser, pour les choses un peu secrètes. C'était à se demander si cela n'était pas lié à son passé et la jeune femme se promit de l'interroger à ce sujet, un de ces jours.

Mais pour le moment, elle se contenta de rabattre la capuche de sa cape bleutée sur son visage, le dissimulant ainsi au regard des curieux, avant de poursuivre sa route au cœur de la Cour de la Nuit. A ses côtés, Joshua maintenait la main sur le pommeau de son épée, son regard balayant avec attention les alentours tandis qu'ils progressaient dans la ville qu'ils venaient d'atteindre. Tous deux étaient plus que conscients que les dangers pouvaient venir de n'importe où et ils ne pouvaient se montrer trop prudents, en ces circonstances. D'ailleurs, lorsque Rosaleen avait fait part à Leto de son intention de se rendre à la Cour de la Nuit, ce dernier avait tenté de s'y opposer vigoureusement mais elle avait fini par lui faire entendre raison, après une longue et éprouvante conversation. Si les deux semblaient avoir trouvé un terrain d'entente, voire même développé une certaine forme d'amitié mutuelle, ils ne pouvaient s'empêcher de se chamailler de temps en temps, tous deux éprouvés par la crainte d'être découverts par leurs ennemis. Leto avait donc consenti à laisser sa souveraine se rendre dans les terres Faes, non sans imposer la présence de Joshua, ancien Garde Royal, afin d'y assurer sa protection, ce à quoi elle avait consenti sans rechigner. Si la princesse s'évertuait à travailler ses capacités magiques, consciente que leur maîtrise les aiderait grandement à gagner la guerre qui se profilait sans mal aucun à l'horizon, elle était surtout consciente que le groupe nécessitait un équipement des plus fiables et s'était alors tournée vers Joshua. C'est alors qu'il lui avait parlé d'une forgeronne Fae qu'il connaissait par certains de ses camarades et dont le talent n'était plus à démontrer. Il avait assuré à la jeune femme que cette forgeronne saurait lui fournir tout ce dont elle aurait besoin et il n'avait pas fallu davantage d'arguments pour convaincre Rosaleen de s'y rendre en personne. Si le danger d'un tel voyage était réel, elle savait pertinemment qu'il valait mieux que la demande vienne d'elle, directement.

Elle suivit donc Joshua à travers quelques ruelles avant qu'il ne s'arrête devant un bâtiment, que la jeune femme identifia rapidement comme étant une taverne. Sa capuche toujours fermement vissée sur sa tête, elle pénétra à l'intérieur de la bâtisse à la suite du garde qui se dirigea tout droit vers un Fae qu'il semblait connaître. Tandis qu'il s'entretenait à voix basse avec ce dernier, Rosaleen laissa son regard courir dans la pièce, notant que les clients étaient suffisamment peu nombreux pour qu'elle se détende un peu, puis Joshua revint vers elle avant de lui indiquer une porte au fond. Sans mot dire, la jeune femme se laissa guider jusqu'au fond de la pièce et Joshua lui ouvrit la porte avant de pénétrer à l'intérieur. Un signe de la main indiqua à la jeune femme qu'elle pouvait entrer à son tour et elle déboucha sur ce qui s'apparentait à un petit salon privé, pour le moment vide de tout autre occupant. Tandis qu'elle contournait un canapé afin de s'y installer en attendant, Joshua se posta près de la porte, posant son regard sombre sur la jeune femme.

"Elle ne devrait pas tarder à nous rejoindre. Mon contact se charge de lui transmettre que nous sommes arrivés."

A ces mots, Rosaleen se contenta de hocher la tête avant de finalement s'asseoir sur le canapé, son regard se posant sur le feu qui brûlait dans l'âtre. Elle n'avait plus qu'à attendre que la forgeronne arrive.

La porte finit par s'ouvrir et Rosaleen releva le regard vers cette dernière, sans retirer sa capuche pour autant. Sa visiteuse pénétra dans la pièce, visiblement plus à l'aise qu'elle, et se montra légèrement surprise lorsque Joshua referma la porte derrière elle. Elle n'en laissa pas paraître grand chose cependant et adressa à Rosaleen un sourire avenant avant de se diriger vers l'âtre, non sans l'interroger sur les motifs de ce rendez-vous secret. Sans répondre de prime abord, Rosaleen leva le regard vers Joshua, qui l'encouragea d'un signe de tête discret, puis elle finit par prendre la parole.

"Merci d'avoir répondu à notre appel. Votre réputation vous précède, Morrighan. Et j'aurais, aujourd'hui, grand besoin de vos services."

Ce disant, Rosaleen finit par se lever du canapé sur lequel elle se trouvait, sans baisser sa capuche de prime abord, et sa visiteuse ne pouvait qu'apercevoir ses mèches blondes cascader de part et d'autre de sa tête, dépassant de la capuche pour dégringoler sur sa poitrine. Elle n'avait sans doute pas reconnu sa voix mais Rosaleen savait que son visage n'était pas inconnu, même dans les autres royaumes. Il était normal de connaître le visage des souverains de chaque contrée, après tout. Elle laissa donc passer quelques secondes avant de reprendre, la voix plus basse.

"Vous devez comprendre que rien ne doit fuiter de ce rendez-vous. Pas même ma présence ici, ni le motif de ma demande. Question de vie ou de mort. Nous sommes prêts à payer ce qu'il faut pour cela."

Elle attendit que son interlocutrice acquiesce puis, après une seconde d'hésitation, elle fit glisser sa capuche de sa tête, dévoilant ainsi son visage aux yeux de Morrighan. Et son air se fit plus solennel tandis qu'elle se présentait enfin.

"Je suis Rosaleen Bishop, Princesse du Royaume d'Ezedalar. Et si j'ai demandé à vous voir aujourd'hui, c'est que la situation est suffisamment urgente et dramatique pour que je me risque à me rendre dans un autre royaume seule. Ou presque."

Elle adressa un sourire un brin amusé à son protecteur du jour puis reporta son attention sur la jeune femme qui lui faisait face. Elle ignorait tout d'elle mais quelque chose lui disait qu'elle pouvait croire en sa bonne foi. Une intuition, si l'on pouvait dire.

Un bref soulagement étreignit le cœur de la jeune femme lorsque son interlocutrice consentit à maintenir secret leur rendez-vous. Rosaleen était pleinement consciente des risques qu'elle prenait actuellement, avec cette rencontre imprévue, mais elle savait également que le temps jouait contre ses compagnons et elle. Et s'ils avaient besoin d'une préparation technique, il leur fallait également l'équipement adéquat pour affronter les dangers qui promettaient, désormais, de se dresser sur leur route. C'était cette réalité-là qui avait donc conduit la Princesse d'Ezedalar à braver les dangers des nuits Lorthoniennes pour se rendre dans cette taverne isolée.
Lorsque son interlocutrice s'inclina respectueusement devant elle, après qu'elle ait dévoilé son identité, Rosaleen secoua doucement la tête en souriant tristement.

"Nul besoin de vous incliner, Madame. Nous pourrons nous passer du respect des convenances. Je crains, malheureusement, que le temps joue en notre défaveur."

Elle laissa passer quelques instants, tandis que son visage se voilait d'une ombre presque palpable, lorsque son interlocutrice confirma que la situation devait en effet être désespérée pour qu'elle se soit déplacée en personne. Cherchant ses mots, Rosaleen se tourna doucement vers l'âtre, laissant son regard se perdre sur les flammes, avant de reprendre la parole, sa voix se faisant plus douce.

"La situation à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés est suffisamment drastique pour qu'elle menace l'ensemble du Lorthona. A défaut de pouvoir vous dévoiler l'ensemble des informations que j'ai en ma possession, vous devez être consciente du réel danger qui plane sur chacun d'entre nous."

Ce disant, elle finit par se tourner de nouveau vers la Fae, observant son visage en silence pendant quelques secondes, puis reprit finalement, non sans adresser un hochement de tête en direction de son protecteur.

"On m'a vanté vos qualités de forgeronne et la loyauté dont vous savez faire preuve et je souhaiterais, à terme, pouvoir m'assurer les deux. J'ai bien conscience de l'ampleur de ma demande. Vous ne me connaissez pas et je ne connais, de vous, que des on-dits sous cape. Mais si votre histoire est telle que l'on me l'a contée... je pense que nous pouvons nous offrir, l'une et l'autre, une aide mutuelle."

En se rendant à ce rendez-vous, Rosaleen avait été parfaitement consciente que la chose ne serait pas aisée. Après tout, elle se rendait auprès d'une personne inconnue afin de lui demander marchandises et discrétion, avec un brin de loyauté. Et tout ça en s'assurant de faire fuiter le moins d'informations possibles. Si elle savait que Morac ne tarderait certainement pas à faire parler de lui, elle ignorait encore comment gérer la situation et redoutait le mouvement de panique que la révélation de son retour pourrait provoquer. Néanmoins, elle savait également que ne rien révéler ne lui permettrait pas de trouver d'autres alliés, et les Dieux savaient qu'elle en avait cruellement besoin aujourd'hui.

Les mots de Morrighan faisaient sens et la princesse hocha doucement la tête, tandis que la forgeronne exposait enfin ses conditions. Informations et or. Si la seconde était aisée à lui fournir, la première ne le serait pas sans danger. Pour toute réponse de prime abord, Rosaleen laissa échapper un bref soupir tout en se tournant de nouveau vers le canapé, et retourna s'y installer avant d'inviter son interlocutrice à faire de même, sur le fauteuil situé face à elle. Elle savait pertinemment qu'elle devait lui fournir un minimum d'informations pour obtenir ce qu'elle voulait, et une petite voix lui soufflait que ces informations ne quitteraient jamais cette pièce. Du moins espérait-elle ne pas se tromper sur Morrighan. Après tout, elle avait déjà été trahie une fois.

"Ainsi que je vous l'ai dis, la situation est suffisamment grave pour me pousser à me déplacer en personne. Malgré les dangers que cela génère, cela va de soi. Vos conditions me paraissent tout à fait honorables et, si je ne puis encore entrer dans les détails avec vous pour le moment, voici ce que je peux vous dire, en guise d'acompte."

Quelques secondes s'écoulèrent, pendant lesquelles elle ne quitta pas Morrighan des yeux, jaugeant son expression, puis elle reprit, le visage sérieux.

"Il y a quelques jours, quelque chose est arrivé, à Ezedalar. Quelque chose d'extrêmement néfaste s'est libéré de sa prison et menace désormais le reste du Lorthona. J'ai été personnellement... impactée, par cet événement, et suis l'une des seules personnes à en avoir connaissance. Exception faite de mes compagnons, que j'ai mis dans la confidence peu de temps après."

Elle laissa passer quelques instants, sans quitter du regard son interlocutrice, puis baissa légèrement la voix avant de reprendre. Son ton était sans appel quant à l'urgence de la situation.

"Peu importe ce que l'on fera désormais, la machine est en route. Une guerre se prépare. Si notre ennemi ne s'est pas encore manifesté, il le fera sans doute sous peu, lorsque ses pions seront positionnés. Et lorsqu'il se fera connaître, il sera sans doute déjà trop tard. C'est en cela que nous avons besoin de vos services. Notre ennemi n'est pas conscient des informations dont nous disposons et nous devons utiliser le temps qu'il mettra à le découvrir à notre avantage. Et au delà d'une préparation technique, nous avons également besoin de nous préparer matériellement parlant. J'ai donc besoin du meilleur équipement qui soit, pour mes compagnons et moi. Ainsi que pour tous ceux qui nous rejoindront. Nous devons mettre toutes les chances de notre côté."

Une nouvelle pause, pendant laquelle elle jeta un bref regard à Joshua, puis elle reprit, l'air déterminée.

"Vous devez saisir l'urgence de la situation. J'espère qu'il n'est pas difficile pour vous de concevoir la gravité des faits auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. J'aimerais pouvoir vous en dire davantage mais... quelque chose me dit que c'est inutile."

Car si les bruits que Rosaleen avait entendu sur Morrighan étaient avérés, elle connaissait leur ennemi bien mieux qu'elle-même.

Alors que la Fae lui répondait, Rosaleen ne put s'empêcher d'éprouver de la compassion pour elle, tant son désarroi semblait palpable dans la pièce. Elle avait effectivement entendu quelques rumeurs sur Morrighan, et si elles s'avéraient fondées, la princesse comprenait aisément les doutes et la crainte qu'elle pouvait éprouver devant les informations et la demande qu'elle lui transmettaient. Mais ni l'une ni l'autre n'avaient le temps nécessaire à tourner autour du pot. Alors, plantant son regard dans celui de son interlocutrice pour qu'elle puisse y lire toute la sincérité dont elle faisait preuve, Rosaleen se redressa imperceptiblement et répondit simplement, d'un ton sans appel :

"Parce que c'est le passé lui-même qui cherche à se recréer, aujourd'hui."

Elle laissa passer quelques secondes, laissant le temps à la Fae de comprendre ce qu'elle entendait par-là puis elle reprit la parole, une sincère compassion vibrant au creux de sa voix.

"Vous l'avez sans doute compris à présent, mais le Fléau du Lorthona a été libéré. Morac est libre. Et je sais que vos derniers rapports avec lui furent des plus déplaisants, et vous m'en voyez sincèrement navrée, mais je ne sais vers qui me tourner autre que vous afin de remplir cette mission..."

Le conflit qui s'était amorcé lorsque Acelin avait décidé de la sacrifier pour libérer l'entité la plus cruelle que le monde n'ait jamais porté allait impacter tout le monde, sans aucune exception. L'objectif de Rosaleen était de faire en sorte que le monde soit en capacité de riposter, le moment venu. A cette pensée, elle se leva de son fauteuil et se mit à faire quelques pas dans la pièce, laissant passer quelques secondes de silence. Un silence pesant qui en dit long sur l'état d'esprit de chaque personne présente dans cette pièce. L'ampleur du sinistre s'imposait à chacun et Rosaleen espérait que les meilleures décisions seraient prises. Une minute environ s'était écoulée lorsqu'elle reprit la parole, le regard rivé sur le feu qui continuait de brûler inlassablement dans l'âtre.

"Je ne vous promets pas que nous gagnerons définitivement cette guerre. Nul ne sait de quoi l'avenir est fait, et notre ennemi a certainement plus d'un tour dans son sac. Et je n'aime pas faire des promesses que je ne suis pas entièrement certaine de pouvoir tenir. En revanche, ce que je peux vous promettre..."

Elle s'interrompit et se tourna vers la Fae, tandis que son regard semblait s'animer d'une flamme nouvelle.

"... c'est que nous ferons tout notre possible pour lui rendre la tâche difficile. Nous ne lâcherons rien."

Rosaleen ne pouvait que comprendre le désarroi de la jeune femme. Lorsque Morrighan souffla un "Non..." empli de désespoir, la princesse sentit son estomac se tordre alors que sa propre douleur faisait écho à celle de la Fae. La douleur causée par une réalité bien trop dure à accepter et qui ne promettait que souffrance et peur. Sa voix ne fut qu'un souffle, à l'instar de celle de son interlocutrice, tandis qu'elle finissait par lui répondre, alors qu'un long silence commençait à s'installer entre elles.

"Je suis sincèrement navrée de devoir vous apprendre cela comme ça..."

Même si, au fond, Rosaleen était convaincue que peu importait la manière de l'annoncer, la réaction de la Fae aurait été exactement la même. Preuve, une fois de plus, des séquelles qu'avaient laissées en elle cette sombre période. Lorsque sa voix se fit de nouveau entendre, la princesse ne sut quoi répondre et se contenta de secouer doucement la tête, indiquant à Morrighan que ses excuses n'étaient pas nécessaires. Evidemment qu'elles ne l'étaient pas. Personne n'aurait pu la blâmer pour cette réaction. Morac avait causé bien trop de souffrance, blessé bien trop de gens et anéanti bien trop de vies. Il était plus que normal de ressentir autant de peur à l'idée de son retour. Même Rosaleen qui, pourtant, n'avait pas connu cette époque, ne pouvait s'empêcher de trembler rien qu'à l'évocation de son nom.

La dernière question de la Fae la fit sortir de ses songeries et elle cligna des yeux plusieurs fois tandis que le visage d'Acelin s'imposait à son esprit. Elle déglutit difficilement, tâchant d'effacer cette image de son esprit, puis laissa passer quelques secondes avant de répondre, le temps de réfléchir. Elle ignorait ce qu'elle pouvait lui raconter ou non. Elle ignorait quelle partie passer sous silence et quelle partie lui révéler. Mais puisque la confiance n'excluait pas le contrôle, elle décida de la jouer prudente et s'éclaircit la voix avant de répondre doucement, tout en s'asseyant sur le fauteuil qu'elle avait quitté quelques instants auparavant, comme si les mots qu'elle s'apprêtait à prononcer étaient bien trop lourds pour elle.

"Acelin, le frère adoptif du roi... Mon frère adoptif. Après m'avoir... trahie, il a exécuté le rituel permettant de le libérer. Je pensais... Je ne sais pas. Je pensais que, peut-être, notre amour serait suffisant pour le maintenir hors des ténèbres mais il semblerait qu'il ait décidé d'emprunter un tout autre chemin."

Morrighan pouvait aisément sentir l'amertume et la souffrance que la princesse ressentait à travers le moindre de ses mots et, instinctivement, la main de Rosalen se porta au pendentif rougeâtre qu'elle portait toujours autour du cou. Souvenir d'une époque heureuse et insouciante. Elle attendit que la vague de souffrance que ses mots avaient apporté en elle rebrousse chemin puis, après avoir finalement repris contenance, elle reprit la parole, la voix bien plus sûre que quelques instants auparavant.

"Je ne vous forcerai à rien, Morrighan. Si je ne connais pas avec précision les tourments par lesquels vous êtes passée durant la Grande Guerre, je ne peux qu'imaginer la souffrance que cette guerre vous a laissé. Si vous préférez rester en retrait, je ne vous en blâmerai pas. Jamais. Vous êtes passée par suffisamment d'horreurs pour que l'on vous contraigne à en traverser d'autres. Et il est absolument inconcevable et hors de question que vous soyez de nouveau soumise à qui que ce soit."

Elle laissa passer quelques secondes avant de reprendre, son regard brûlant d'une détermination nouvelle.

"Mais si vous consentez à nous prêter main forte, je vous promets que nous nous battrons, jusqu'au bout, pour enfin anéantir ce monstre. Je n'ai rien d'une cheffe de guerre, vous l'aurez vu sans conteste. Mais j'ai choisi de me battre pour mon peuple, et pour tous les autres, et je puis vous assurer que mes compagnons et moi-même sommes plus que prêts à offrir notre vie si cela signifiait anéantir Morac une bonne fois pour toutes."

Sa tirade terminée, Rosaleen se releva doucement et contourna le fauteuil pour se diriger vers Joshua, qui attendait toujours près de la porte. Leur entrevue ne pourrait pas durer encore éternellement, la princesse étant bien trop consciente des risques qu'elle prenait actuellement, et il n'allait pas falloir qu'elle tarde à rejoindre son sanctuaire. Mais, après avoir échangé un regard vers son garde personnel, elle se tourna une dernière fois vers Morrighan, le regard empli de douceur.

"Je vous trouve bien courageuse, en tout cas. Peu de gens auraient été capables de survivre à ce à quoi vous avez survécu."

La chape de plomb qui semblait s'être abattue sur les épaules de la princesse s'allégea quelque peu lorsque Morrighan lui annonça sa décision de se joindre à eux, dans cette guerre qui se profilait déjà à l'horizon. Rosaleen n'en ressentit que davantage d'estime et de respect pour cette femme qui, malgré les horreurs par lesquelles elle était passée, acceptait de mettre sa vie, une fois de plus, au centre d'un conflit qui se ferait certainement total. D'ailleurs, le sourire qu'elle lui adressa fut empreint d'une certaine douceur et d'une fierté non dissimulée et elle hocha la tête vers elle tandis que Joshua ouvrait la porte à son attention, prêt à partir.

"Ne vous en faites pas. Dans un premier temps, des alliés en plus ne seront pas de trop, croyez-moi. J'ignore à quel moment notre ennemi décidera de frapper mais nous devons nous préparer en conséquence."

Elle se tourna brièvement vers Joshua, hochant la tête dans un signal discret que lui seul sembla comprendre, puis l'homme sortit un parchemin scellé ainsi qu'un bracelet argenté finement gravé. La Fae pouvait sans difficulté sentir une forte magie en émaner, sans être en mesure d'en comprendre la nature, et Rosaleen l'encouragea à se saisir du tout tandis que son garde les lui tendait. Et un nouveau sourire s'imprima sur son visage tandis qu'elle reprenait la parole.

"Ce bracelet a été enchanté de telle sorte qu'il permet à son porteur de pouvoir me faire parvenir des missives en cas de besoin, sans même connaître l'endroit où je me trouve. Il permet également d'accéder à notre sanctuaire, dans lequel nous avons élu domicile depuis ces événements. Je ne vous forcerai pas à vous joindre à nous mais... si l'envie vous prenait de venir nous voir, et de rencontrer les autres, ce parchemin contient le plan qui vous le permettrait."

Aucune contrainte. Morrighan avait le choix. C'était elle qui décidait, désormais. Alors, sur ces paroles, Rosaleen hocha la tête à l'attention de la jeune femme en guise de au-revoir puis fit volte face avant de quitter la taverne, regagnant ce qui était désormais son nouveau foyer. La guerre avait beau l'attendre au tournant, elle se sentait de plus en plus confiante à mesure que les jours avançaient. Surtout avec des alliés de choix tels que cette Fae.